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Invariant n°11 de Célestin Freinet

La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’Ecole, mais le Tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle.

L’Ecole traditionnelle opère exclusivement par explications. Les expériences, lorsqu’on en fait, n’interviennent que comme complément de démonstration.
Or, l’explication, même aidée par la démonstration n’apporte qu’une acquisition superficielle et formelle, qui n’est jamais enracinée dans la vie de l’individu dans son milieu. Elle est comme ces rejets qui poussent prématurément sur un arbre qu’on a mis en terre et qui donnent un instant l’illusion de la vie. Mais les racines, non encore adaptées au milieu n’apportent pas la sève indispensable et la plante se dessèche, faute de nourriture substantielle.

C’est malheureusement cette acquisition de surface que recouvre le vernis des mots, que recherche l’Ecole actuelle et que contrôlent les examens.
On sent de plus en plus la vanité de cette superficialité et l’on prône un peu partout, mais tout spécialement hors de l’enseignement la culture profonde qui prépare les chercheurs intelligents et efficients.

Il apparaît que, pour une véritable culture c’est le tâtonnement expérimental, tel que nous l’avons exposé dans notre livre Essai de psychologie sensible, qui est la voie royale, base de notre pédagogie.
Les Travaux Scientifiques Expérimentaux sont la première reconnaissance officielle de ce processus universel.

Test :

Pour une éducation fondée sur l’expérience et la vie, par le tâtonnement expérimental. VERT

Pour l’introduction de plus en plus pratique de l’expérimentation à l’Ecole avec encore retour à l’explication pour certaines disciplines. ORANGE

On n’a pas encore modifié la pratique habituelle scolastique de l’apprentissage et bourrage. ROUGE

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Tâtonnez (avec) le numérique

Des tensions entre le numérique et le tâtonnement expérimental

Une série d’entretiens menés avec des enseignants Freinet dans le cadre de notre recherche à fait émerger une forme de tension (du point de vue des enseignants comme des parents d’élèves) entre cette notion de tâtonnement expérimental développée par Célestin Freinet dans son invariant n°11 et l’intégration du numérique en classe. Pour reprendre un fragment du discours d’un enseignant: « comment se fait-il que Nicolas, qui fait un potager, qui va dans les bois le plus souvent possible, etc., décide de mettre des tablettes dans sa classe ? » On perçoit une forme de crainte à l’idée que le numérique remette en question la clé de voute (Freinet, 1966) de la pédagogie Freinet à savoir la possibilité, pour les enfants, de vivre des expériences dans et hors de la classe, dans une dynamique d’apprentissage et de vivre ensemble. Il nous semble donc important de présenter plusieurs éléments permettant didentifier certains arcs de tension entre le tâtonnement expérimental et le numérique pour ensuite proposer plusieurs pistes d’action susceptibles de placer le numérique à portée d’expérience au sens Freinet du terme.

Le numérique, un inconnu pour l’élève ?

Une première source de tension pourrait émaner de certaines représentations sur le numériques forgées au départ des usages domestiques des divers acteurs de l’école. Ces usages relèvent généralement d’activités récréatives, ludiques ou de la consultation de diverses données informatives. Au départ de ces expériences domestiques, bien souvent déjà très maitrisées et répétitives, il est difficile d’extrapoler un numérique du tâtonnement qui s’inscrirait volontiers dans la procédure exigée par Freinet basée sur une recherche par-delà l’inconnu (Ibid), c’est-à-dire la possibilité pour les élèves de mobiliser des ressources pour faire face à des situations nouvelles. Cela nous semble d’autant plus prégnant que le numérique véhicule l’idée selon laquelle, grâce à lui, on accède à l’ensemble des savoirs du monde rapidement et sans effort. Dès lors, pourquoi tâtonner si le savoir est immédiatement disponible en quelques clics?

Des outils mobiles…pour rester en classe ?

Une seconde source de tension émane vraisemblablement des outils qui, pour diverses raisons (taille, poids, prix, etc.) contraignent souvent les élèves à rester en classe. Or, la classe Freinet, pour tâtonner, a besoin d’entrer au contact du monde environnant afin de déclencher diverses impulsions (1) de recherche dans le chef des apprenants.

Des contenus numériques vaniteux ?

Une troisième source de tension pourrait provenir de la nature-même de certains contenus numériques comme par exemple l’univers très vastes des tutoriels. Ces derniers, très démonstratifs, peuvent se percevoir comme les pendants modernes et vaniteux des démonstrations superficielles évoquées par Freinet. Ouvrir l’accès des élèves à ce type de contenus génère vraisemblablement une forme d’appréhension de la part de certains enseignants et parents Freinet tant l’ADN de ces contenus semble à rebours du tâtonnement proposé par Freinet.

Tâtonnement réel et numérique virtuel ?

Une dernière source de tension est sans doute à chercher autour du caractère virtuel du numérique et de la place de l’écran. En effet, l’école Freinet, notamment à travers le tâtonnement, se construit contre une école où l’enfant écoute et retient sagement un savoir sélectionné et transmis par l’adulte. Par l’emploi de tablettes numériques ou l’usage massif du TBI, il existe une possibilité de voir le numérique et de séduisants écrans consolider ces pratiques transmissives en immobilisant les élèves devant des sources numérisées de savoir.

Le confinement et l’épreuve du tâtonnement par écrans interposés

Face à ces différents arcs de tension, il revient, pour les enseignants, de sélectionner finement les usages et outils numériques susceptibles de ne pas affaiblir la dynamique du tâtonnement expérimental et d’évaluer rétrospectivement la contribution réelle du numérique à la démarche.

Prenons l’exemple récent de la période de confinement qui a contraint chaque élève à rester à domicile et chaque enseignant à se réinventer enseignant à distance. Dans le cadre de la recherche, nous avons documenté trois usages très distincts du numérique réalisés par des écoles Freinet liégeoises. Chaque usage interroge l’impact des outils numériques utilisés sur la présence et l’intensité des activités de tâtonnement expérimental.

Dans la première école, tous les élèves furent inscrits sur une plateforme collaborative permettant aux enseignants de transmettre devoirs, leçons, consignes et ressources. Dans ce cas de figure, le numérique vient palier une forme d’incapacité à organiser des activités de tâtonnement et les apprentissages se réorganisent provisoirement selon un schéma plus classique d’enseignement.

Dans une seconde école, l’enseignant a proposé à ses élèves, via un compte WhatsApp de la classe, des formes de petits défis à réaliser via des consignes assez précises. Chaque élève tente de relever le défi à domicile et, s’il en a le désir et la possibilité, il peut enregistrer son expérience. L’enseignant publiait ensuite les capsules vidéo sur le blog de classe préexistant. Dans ce cas de figure, le numérique s’utilise principalement comme un outil de communication capable d’organiser l’activité tout en rendant visible divers petits tâtonnements d’élèves réalisés à demeure.

Dans une troisième école, un large groupe d’élèves a fait le choix de réaliser une carte sonore interactive du confinement via la mise en ligne de diverses captations sonores produites à leur domicile au moyen de leur téléphone personnel. Les élèves pouvaient enregistrer un son emblématique de leur vécu de confiné (les éclats de voix des frères et sœurs, le sifflement des oiseaux dans un jardin débarrassé de la pollution sonore des voitures, etc.) ou une capsule de type plus journaliste pour vanter un objet culturel (film, séries, livres, etc.) découvert grâce à cette période particulière dans l’idée de déclencher auprès de ses comparses l’envie d’entrer au contact de cette œuvre. Ce projet numérique relève bien des caractéristiques d’une démarche par tâtonnement : on retrouve cette idée de stimulation des élèves, une approche par essais erreurs pour réaliser les capsules, l’idée de répétition des activités pour sédimenter les apprentissages nouveaux réalisés et surtout le caractère à la fois personnel et collectif du projet. Chaque capsule sonore reflète une perception singulière d’un(e) élève mais ces petits fragments se découvrent via une carte qui les rassemble et les organise tous selon leur localisation respective. L’enseignant est bien amené à réaliser ce que Freinet appelait  la part du maître  à savoir le fait pour l’enseignant d’aider les élèves à franchir certains obstacles se présentant inévitablement dans cette approche par tâtonnement. Pour cette carte, les enseignants ont pris en charge certains aspects techniques de la carte et ont distillé à distance des conseils pour que les élèves améliorent leurs capsules.

Tâtonnez le numérique

Dès lors, si certaines représentations propres au numérique et au tâtonnement les placent l’un et l’autre en situation potentiellement conflictuelle, sur le terrain, plusieurs expérimentations démontrent clairement la capacité de certains outils numériques à venir accompagner et parfois tout simplement permettre une approche par tâtonnement. Par ailleurs, le numérique nous parait également pouvoir devenir l’objet tâtonné dès l’instant où l’enseignant met en place un dispositif basé sur des apprentissages par essais erreurs requérant la manipulation de divers supports numériques méconnus des élèves comme des classes virtuelles, des robots programmables ou des logiciels professionnels de création multimédia. Le but n’étant pas ici (uniquement) de développer la maitrise techniques de ces supports mais plutôt d’y confronter les élèves pour lever, avec eux, une série de questions propres à la compréhension du monde numérique dans lequel ils évoluent. (2)

Pour aller plus loin

L’entretien avec Paul Mathias (disponible ci-dessous) présente plusieurs enjeux d’une approche compréhensive du monde numérique, c’est-à-dire le rôle de l’école pour amener les élèves à questionner leur environnement numérique. Le discours est basé sur une forme de dialectique entre un numérique de la maitrise technique et une éducation numérique embrassant des questions plus profondes de rapport de l’élève à son monde numérisé.

 

Freinet, C. (1966). Le tâtonnement expérimental,  Collection Documents de l’Institut Freinet, N°1, éditions de l’école moderne.

(1) Dictionnaire de la pédagogie Freinet. Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM – Pédagogie Freinet. 2018

(2) Comprendre le monde numérique. Entretien avec Paul Mathias. (2015). Cahiers philosophiques, 141(2), 130‑138. https://doi.org/10.3917/caph.141.0130

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