favicon

La taille de votre écran ne permet pas l'affichage de ce site

retournez votre ecran

Invariant de Célestin Freinet n°21

L’enfant n’aime pas le travail de troupeau auquel l’individu doit se plier comme un robot. Il aime le travail individuel ou le travail d’équipe au sein d’une communauté coopérative.

C’est la condamnation définitive des pratiques scolastiques, où tous les enfants font, au même moment, exactement la même chose. On a beau classer les élèves par divisions ou par cours, ils n’ont jamais les mêmes besoins ni les mêmes aptitudes et il est profondément irrationnel de prétendre les faire tous avancer au même pas. Les uns s’énervent parce qu’ils piétinent alors qu’ils voudraient et pourraient aller plus vite. Les autres se découragent parce qu’ils ne peuvent pas suivre seuls. Une petite minorité profite du travail ainsi aménagé. Nous avons cherché, et trouvé la possibilité de permettre aux enfants de travailler à leur rythme, au sein d’une communauté vivante.

La notion de travail d’équipe et de travail coopératif doit être elle-même reconsidérée. Travailler en équipe ou en coopérative ne signifie pas forcément que chaque membre fait le même travail. L’individu doit au contraire garder au maximum sa personnalité mais au service d’une communauté. Cette forme nouvelle de travail est, pédagogiquement et humainement parlant, de la plus haute importance.

Test :

Vous organisez la pratique intéressante du travail individuel au sein d’une équipe ou d’une communauté.VERT

Vous tentez des essais de travail d’équipe. ORANGE

Vous persistez dans une organisation traditionnelle du travail. ROUGE

Menu

Balise 10

Organisez la pratique en communauté vivante

Des outils numériques collaboratifs, vraiment ?

Cette notion de communauté coopérative est régulièrement associée au numérique dans le monde extrascolaire à travers plusieurs espaces de travail comme les fabriques numériques ou les centres de technologies avancées. En effet, ces lieux très équipés en dernières technologies numériques, reposent sur l’idée de favoriser simultanément un accès aux technologies de pointe et une collaboration dynamique entre les utilisateurs. Il en va de même pour certaines plateformes collaboratives de travail qui suggèrent, dans leur dénomination-même, que la collaboration est simultanée, isochrone à l’outil. Ce discours à tendance également à percoler dans le domaine de la manipulation des robots qui, parce qu’ils sont introduits dans les classes, génèreraient des effets de collaboration entre les élèves pour apprendre à les manipuler ou à les diriger.

De facto, un enseignant pourrait penser que ces outils ou espaces autoproclamés collaboratifs sont compatibles avec l’approche Freinet puisque l’organisation du travail repose sur ce même principe. Toutefois, cet invariant n°21 de Célestin freinet invite à porter un regard nettement plus nuancé sur certaines promesses ou fantasmes associés à ces outils ou espaces.

La responsabilité de l’élève pour structurer la communauté

D’une part, parce que la communauté coopérative de Freinet est en soi un travail (une visée) et non la résultante de l’usage de tel ou tel outil ou dispositif dans la classe. Freinet insiste plusieurs fois sur l’aménagement du travail qui relève d’une responsabilité commune aux membres de la communauté. Or, certaines plateformes collaboratives de travail sont, par exemple, structurellement figées dans des modalités très restrictives d’échanges entre les utilisateurs. L’usager se plie, dès lors, à des contraintes d’utilisation propres à l’outil et le travail collaboratif éventuel est très conditionné par le potentiel de l’outil et non par le désir ou la réflexion de l’usager.

En pédagogie Freinet, collaborer est un apprentissage nécessaire et stimulé par la technique mise en œuvre, en aucun cas sa conséquence ou sa résultante. N’oublions pas également que cette coopérative en classe Freinet se régule via le conseil, sa clé de voûte (1) et que, par conséquent, l’élève dispose d’une grande responsabilité quant à cette organisation du travail tout en étant capable de l’ajuster en fonction de circonstances diverses.

Coopération ou différenciation ?

Ensuite, parce que l’usage du mot coopératif par Freinet en 1964 est à distinguer de son acceptation actuelle basée sur l’idée de faire travailler des experts ensemble, par sous-groupes, pour concrétiser un projet. Pour Freinet, coopérer, c’est permettre à chaque l’élève d’avancer à son rythme et d’inscrire son travail individuel ou en équipe dans un cadre commun de travail. En ce sens, sa communauté coopérative fait bien plus écho à ce qu’on appellerait actuellement une stratégie de différenciation « c’est-à-dire mettre en place une organisation du travail et des dispositifs qui placent régulièrement chacun, chacune dans une situation optimale »(Torres, J.-C. (2016).

Il est important pour l’enseignant de prendre en considération ce hiatus entre les deux notions pour comprendre comme doit s’organiser le travail entre les élèves autour d’outils ou de technologies numériques dont leur degré de compréhension ou de maitrise initiale est souvent très variable.

L’importance de la rotation des rôles

Si l’enseignant divise les élèves en sous-groupes d’experts, il s’inscrit plutôt dans une logique coopérative visant la concrétisation ou la réussite de la pratique par l’adjonction des aptitudes spécifiques de chacun. Le problème, naturellement, est que, face à certains outils ou usages très innovants, certains élèves ne sont experts dans rien et ils auront donc des difficultés pour intégrer la dynamique de travail.

Si l’enseignant encourage la rotation des rôles, il s’inscrit plutôt dans une logique collaborative de travail qui développe le partage de compétences entre les membres selon leur degré d’intérêt ou de maitrise de telle ou telle phase du travail. Cela nous semble mieux correspondre à la volonté initiale de Freinet même s’il est ici plus question de collaboration que de coopération (Gangloff-Ziegler, C., 2009).

Communauté vivante ou groupe de robots ?

Enfin, et cela nous semble être la conséquence dans deux points précédents, quand bien même ces outils ou usages numériques seraient en capacité de créer du lien entre leurs usagers, il convient pour l’enseignant d’évaluer la qualité sociale du lien, c’est-à-dire cette dimension vivante ou humaine qu’il souhaite voir s’exprimer au cœur de la communauté crée.

Or, force est de constater, que sur bien des plateformes collaboratives de travail introduites en milieu scolaire, l’élève devient un usager lambda, parfois sans visage et sans nom, réduit à son profil d’utilisateur. De la même manière, s’agiter autour de quelques robots pédagogiques ne signifie pas faire acte de socialisation entre élèves. Bref, comme le rappelle Freinet, il est pour l’enseignant de la plus haute importance de prendre en considération les valeurs sous-entendues par la notion d’équipe et donc de ne pas attribuer ex-nihilo à des outils ou des objets numériques (auto)proclamés collaboratifs des valeurs profondément humaines.

Pour aller plus loin

Deux articles pour introduire les nuances entre les notions de différenciation, de coopération et de collaboration mobilisées dans le cadre du texte de cette balise.

Un premier article est focalisé sur la notion de différenciation.

Un second pointe plusieurs différences entre les notions de coopération et de collaboration. Par ailleurs, plusieurs freins sont évoqués en regard de chaque modalité d’organisation du travail. Sans que le texte ne soit situé dans une perspective éducationnelle, ces éléments participent à une meilleure compréhension de ce qui distingue ces deux modes organisationnels.

 

(1) Le conseil, clé de voûte de l’organisation coopérative. Le nouvel éducateur n°120. Mis en ligne par l’ICEM.  https://www.icem-freinet.fr/archives/ne/ne/120/conseil120-pdf.pdf

Torres, J.-C. (2016). Les enjeux de la différenciation pédagogique : Entre résolutions formelles et indécisions pratiques. Administration & Éducation, 150(2), 159‑164. https://doi.org/10.3917/admed.150.0159

Gangloff-Ziegler, C. (2009). Les freins au travail collaboratif. Marché et organisations, 10(3), 95‑112. https://doi.org/10.3917/maorg.010.0095

Path

Voici 10 questions pour déterminer votre parcours. Vous pouvez passer cette étape en cliquant .

En direct du blog

Des travaux d'élèves en lien avec ce module

Path