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Invariant n°15 de Célestin Freinet

L’École ne cultive qu’une forme abstraite d’intelligence, qui agit, hors de la réalité vivante, par le truchement de mots et d’idées fixées par la mémoire.

Les individus chez qui on a hypertrophié cette forme d’intelligence seront capables de discourir avec virtuosité sur tous sujets appris, ce qui ne les empêche pas d’être parfois inintelligents pour tout ce qui touche à la vie et l’adaptation au milieu

Il y a bien d’autres formes d’intelligence , variables selon les incidences du tâtonnement expérimental qui leur a servi de base :

-l’intelligence des mains qui vient des vertus avec lesquelles on agit sur le milieu pour le transformer et le dominer ;

-l’intelligence artistique ;

-l’intelligence sensible qui développe le bon sens ;

-l’intelligence spéculative qui fait le génie des chercheurs scientifiques et des grands maîtres du commerce et de l’industrie ;

– l’intelligence politique et sociale qui forme les hommes d’action et les manieurs de foules.

Le peuple a toujours honoré ces formes diverses d’intelligence . Elles nous ont valu les génies artistiques, les hommes dévoués jusqu’au sacrifice, les inventeurs et les sages, qui, très souvent, avaient échoué à l’Ecole parce que rebelles à ses enseignements traditionnels.

La société actuelle a un tel besoin de cadres polyvalents, de chercheurs et de créateurs, qu’une tendance très nette se manifeste souvent hors de l’Université pour la culture de ces formes diverses d’intelligence. Notre pédagogie y pourvoie, et en ce domaine, elle est encore en audacieuse avant-garde.

La partie est pourtant loin d’être gagnée. Les « intellectuels » défendent et défendront encore longtemps leurs privilèges, authentifiés par les examens et les parchemins.

Test :

Si, par des techniques adéquates vous cultivez au maximum tout le potentiel d’intelligence des individus. VERT

Si la culture de ces possibilités complémentaires ne se fait encore qu’accidentellement. ORANGE

Si vous vous contentez encore de la culture de l’intelligence scolaire. ROUGE

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Balise 17

Révélez et exercisez les intelligences des élèves grâce au numérique

Des intelligences moins abstraites

Cet invariant n° 15 de Célestin Freinet expose sa vision très clivée entre d’une part, une intelligence scolaire très abstraite basée sur la mémorisation de savoirs et, d’autre part, un ensemble d’intelligences diverses (manuelle, artistique, politique, etc.) susceptibles de permettre à l’élève d’interagir plus concrètement avec son milieu. Un rôle fondamental de l’école Freinet est donc d’activer, de mettre en mouvement, par des techniques adaptées, ces intelligences dans la sphère scolaire pour que l’élève puisse ensuite les mobiliser de manière autonome dans le monde extra-scolaire. La question serait donc d’étudier comment le numérique est susceptible d’intervenir au niveau du développement des différentes formes d’intelligence identifiées par Freinet. Plus en avant, pourrait-on postuler la présence actuelle d’une intelligence numérique alignée sur les intelligences mentionnées par Freinet ? Si oui, comment cette intelligence pourrait-elle être mobilisée dans le cadre scolaire et pour quel impact sur le quotidien extra-scolaire de l’élève ?

Pour répondre à ces différentes, partons de 3 cas de figure distincts.

Le numérique renforce l’intelligence scolaire

Cas de figure 1 : le professeur promeut un usage de divers outils numériques soit pour appuyer ou moderniser des activités de mémorisation (étudier des listes de vocabulaire en ligne, mémoriser les capitales via un atlas en ligne, étudier un livre numérique, etc.) soit pour moderniser une leçon ex cathedra via par exemple l’emploi d’un TBI.

Dans ce cas de figure, l’élève développe principalement des capacités de mémorisation et il mobilise cette intelligence scolaire basée sur l’enregistrement et la restitution de savoirs.  (Précisons brièvement que Freinet n’est pas un adversaire de la mémorisation à l’école mais qu’il l’envisage plutôt comme un outil accompagnant des expériences tâtonnées, ce qui n’est pas le cas ici).

Le numérique au service des intelligences

Cas de figure 2 : l’usage du numérique permet à l’enseignant de moderniser certains aspects de techniques Freinet organisées autour du développement des formes d’intelligences identifiées par Freinet. Par exemple, une tablette numérique peut permettre aux élèves de numériser l’ordre du jour du conseil de la classe, d’en garder une trace numérique et de proposer sa consultation en ligne à un plus large public que la classe. Dans ce cas, le numérique participe vraisemblablement à l’activation de l’intelligence sociale ou communicative des élèves et s’impose comme un outil de développement de certaines intelligences qui émargent à des domaines tiers au numérique. Certes les élèves développent quelques compétences techniques mais l’impact sur le réel relève prioritairement d’un apprentissage du vivre ensemble et des principes démocratiques.

L’intelligence numérique ?

Cas de figure 3 : l’enseignant met en place des usages dont le cœur de cible est le développement d’une potentielle intelligence numérique. Cette dernière diffèrerait considérablement des exemples cités par Freinet dans le sens où les intelligences qu’il mentionne sont innées, naturelles à l’enfant. En effet, si Freinet invite à expérimenter à l’école c’est parce qu’il observe que cette méthode permet à des enfants, même très jeunes, de manufacturer des objets, de produire une organisation sociale ou encore de faire preuve de créativité. D’où sa volonté de prolonger scolairement cette pratique naturelle des enfants reposant sur la mise en mouvement de ces intelligences préinstallées. Force est de constater que le numérique relève davantage d’une zone supplémentaire d’exploitation de ces intelligences plutôt que d’une forme nouvelle, innée à l’enfant. Pour le dire autrement, le numérique n’est sans doute pas dans l’adn de l’enfant comme peut l’être son désir d’utiliser ses mains, de communiquer ou de faire preuve de créativité avec un simple crayon.

Les formes d’intelligence dans un monde numérique

Ceci dit, et partant de cette constatation, une intelligence numérique selon une approche Freinet pourrait se définir sur le postulat d’un travail relationnel entre les formes d’intelligence et le monde actuel tant l’exercice des formes d’intelligence citées par Freinet est, de nos jours, largement conditionné par l’environnement numérique. La question ne serait donc pas tant de révéler ou de mobiliser par le tâtonnement une intelligence numérique innée (puisqu’elle ne l’est assurément pas) mais plutôt d’amener l’élève à acquérir une capacité de transfert entre ces intelligences révélées dans la classe par le tâtonnement expérimental et leur efficacité dans le monde numérique actuel. En ce sens, le développement de cette forme d’intelligence est susceptible de reposer sur une éducation à l’algorithme comme langage majeur et universel de du monde numérisé. L’idée était ici de développement auprès des élèves une forme d’intelligence collective réflexive (Lévy, 2021) reposant sur la compréhension de certaines superstructures actuelles du monde digital structuré par la donnée et ceux qui la détiennent.

Conclusion

Apprendre aux enfants à manier des outils numériques relève bien d’une intelligence des mains et développer en classe une plateforme numérique de participation citoyenne mobile sans doute l’intelligence sociale des élèves. Mais par delà la sollicitation de ces intelligences plus conventionnelles, la classe peut également s’investir dans des activités qui démystifient l’organisation numérique du monde dans laquelle les superpuissances de l’économie digitale sont en quelque sorte les pendants contemporains des intellectuels de l’époque de Freinet. L’opacité et l’influence des gafas sur nos modes de vie ne sont-elles pas le reflet moderne de la mainmise et du pouvoir des intellectuels sur le monde de l’époque de Freinet? N’est-ce pas un grand privilège des gagas que d’échapper à la compréhension de la majorité de leurs consommateurs à défaut d’une éducation scolaire portant sur leur pouvoir d’action et la structure technique de leur langage ?

Pour aller plus loin

L’article présenté ci-dessous permet de bien saisir certaines difficultés actuelles à produire de la communication dans un système où coexistent deux langages: l’homme et la machine. Le rôle de l’école serait d’initier à la langue algorithmique pour réfléchir aux interactions entre les données constamment produites, stockées et organisées et nos activités humaines largement influencées voire conditionnées par ces données.

Lévy, P. (2021). L’intelligence collective aujourd’hui. L’Observatoire, 58(2), 64‑68. https://doi.org/10.3917/lobs.058.0064

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