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Invariant n°5 de Célestin Freinet

Nul n’aime s’aligner, parce que s’aligner, c’est obéir passivement à un ordre extérieur.

Il est des jeux ou des travaux collectifs, le sport par exemple, où l’alignement est ressenti comme une nécessité et ne pose donc aucun problème.

Il est des cas aussi où cet alignement est comme une nécessité administrative ou technique, exigée par une autorité qui nous dépasse, et dont nous sommes victimes aussi bien que les enfants. Il en est ainsi notamment de la nécessité où nous sommes par suite de l’organisation sociale actuelle de respecter strictement l’heure des repas dans la famille ou à la cantine l’heure d’entrée et de sortie de classe, la discipline des queues qui sont hélas ! une invention des temps de pénurie.

Il suffit dans ces cas d’expliquer aux enfants si le train passe à 6 h du matin, force nous est de partir de la maison à 5 h 30 si nous ne voulons pas arriver trop tard.

On pourrait dire que cette discipline n’est que très peu perturbante et qu’elle ne modifie pas forcément les relations maîtres-élèves, à condition que le maître ne s’attribue pas des passe-droits du fait de sa fonction. L’obligation dangereuse c’est celle qui apparaît aux enfants comme superflue, comme signe d’un malin plaisir de l’adulte de prouver sa souveraine autorité en montrant que ses commandements doivent déclencher un réflexe de passive obéissance qui est abêtissement.

La discipline militaire est le type de cette erreur insupportable pour ceux qui sont dans le rang, et qui régit autoritairement tous les rapports entre simples soldats et gradés.

La preuve que cette discipline est à l’opposé des règles de vie et d’action et qu’elle n’est faite que pour renforcer la brutale autorité, c’est qu’elle s’atténue jusqu’à disparaître parfois en période active ou durant les guerres. Cette forme extérieure de discipline disparaissait presque totalement pendant la guerre pour les hommes au front. Elle avait totalement disparu durant la clandestinité et les maquis, et pourtant, ces soldats sans uniforme et sans discipline extérieure ont su respecter la plus efficiente des disciplines, celle de l’action.

Il en est de même pour l’Ecole.

Il y a une certaine discipline nécessitée par la cohabitation dans des groupes plus ou moins bien organisés. Les enfants la comprennent, l’acceptent, la pratiquent, l’organisent eux-mêmes s’ils en sentent la nécessité. C’est cette discipline qu’il faut rechercher.

Mais il faut bannir tous alignements dont l’enfant ne sent pas la nécessité et qui peuvent être réalisés par l’organisation coopérative : ordre pour l’entrée en classe, silence durant le travail, etc…

Il peut y avoir ordre et discipline sans l’autorité abêtissante dont les alignements dans la cour, les coups de sifflet et les bras croisés sont le symbole.

Test :

Supprimer l’autorité brutale qui exige tous alignements superflus, attitudes rigides et bras croisés, qui seront remplacés par la discipline coopérative du travail. VERT

Essais d’organisation de la discipline avec un minimum de commandement extérieur. ORANGE

En être resté aux ordres autoritaires, à l’alignement, ROUGE

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Balise 8

Organisez une discipline coopérative de travail

L’organisation coopérative du travail

Rapporté au domaine des pratiques numériques, l’invariant n°5 de Célestin Freinet soulève la question de la gestion disciplinaire de ces pratiques qui, en pédagogie Freinet, est étroitement liée à l’organisation coopérative du travail. Parce que les élèves collaborent, et que la tâche les intéresse (puisqu’ils l’ont choisie), chacun va individuellement veiller à adopter la bonne attitude face au travail et aux outils utilisés. Au sujet de l’imprimerie, Freinet évoquait la notion de surveillance. Non pas cette surveillance du maître qui, avec toute son autorité, observe et contrôle le travail et le comportement des élèves, mais plutôt une surveillance organisée et accomplie par les élèves eux-mêmes pour que l’outil qu’ils utilisent soit bien entretenu et que le travail puisse donc s’accomplir dans de bonnes conditions. Dès lors, ce travail forge ce qu’il appelle une  bonne éducation sociale puisque ce sont les principes de solidarité et de responsabilité qui amènent les élèves à adopter le comportement approprié vis-à-vis de leurs relations interpersonnelles comme vis-à-vis de leur relation aux outils.

L’enseignant  actuel qui intègre des outils numériques selon une approche Freinet doit également veiller à mettre en place cette discipline coopérative de travail et, donc, à être attentif à ce que le travail proposé permette aux élèves d’atteindre cette bonne éducation sociale. Par conséquent, son choix, dans une approche Freinet, n’est pas uniquement guidé par des objectifs d’apprentissages numériques, mais également par l’opportunité éventuelle que la pratique numérique développée permette aux élèves d’atteindre cette éducation sociale au travers de la gestion disciplinaire de la pratique.

Choisir sa pratique en fonction de son potentiel coopératif

Or, parmi le large choix de pratiques numériques, il n’est pas si évident de distinguer les plus adaptées ou prometteuses en termes d’éducation sociale. D’autant plus que l’enseignant ne connaît pas toujours, a priori, les tenants et les aboutissants du projet numérique désiré ou choisi par les élèves. Certains projets très innovants restent encore très marginaux dans les classes et relativement peu documentés au niveau de leur méthodologie. Toutefois, pour une première orientation de son choix de pratique, l’enseignant peut tenter d’identifier deux caractéristiques importantes de l’imprimerie originelle qui semblent avoir été déterminantes au niveau de la capacité des élèves à s’organiser disciplinairement en coopérative de travail.

Des pratiques numériques plus coopératives que d’autres

La première caractéristique est la dimension intrinsèquement coopérative de la pratique. Du temps de l’imprimerie originelle, cette dimension coopérative était très présente car le travail l’exigeait. Il était impossible pour un élève de publier seul un journal avec une Lino en 1924. Aux yeux des élèves d’alors et de Freinet, il a donc immédiatement été clair que la pratique allait relever d’un travail commun subdivisé en plusieurs tâches. Certaines pouvaient, à l’occasion, être réalisées par un seul élève, mais il avait toujours à l’esprit que sa tâche singulière participait à un travail global qui incluait et solidarisait tous ses condisciples. D’autant plus que la publication des textes et dessins des élèves amenait la classe à correspondre et à s’inscrire dans une dynamique encore plus large d’échanges et de relations entre des élèves d’écoles différentes, au service d’un plus large processus de collaboration.

Cette dimension collaborative associée à l’outil et à son utilisation est moins immédiatement présente dans le chef de certains usages du numérique dans les classes. Le TBI est généralement voué à un usage dominant d’un enseignant. Quant aux tablettes, elles sont spontanément associées par les élèves à des usages individualisés, comme c’est le cas dans la vie extrascolaire. Et si on en reste, en classe, à des micro-activités très techniques comme la sauvegarde d’un document ou la recherche en ligne, on constate qu’elles invitent assez peu à la mise en circulation des habilités des élèves ou à des échanges critiques. Mais si ces activités s’inscrivent dans des enjeux plus larges comme la conduite d’un projet numérique ambitieux voire pérenne, alors les élèves se tourneront sans doute plus volontiers vers la mise en place d’un travail coopératif requérant les forces et énergies de chacun des membres du groupe.

Des pratiques qui offrent davantage d’autonomie aux élèves

Une seconde caractéristique fondamentale tient vraisemblablement dans la capacité des élèves à contrôler la pratique. Les élèves qui géraient jadis l’imprimerie étaient capables, en autonomie, de la nettoyer, de manier et de ranger les caractères, de se servir du composteur, de réaliser l’encrage des pages, etc. C’est fondamental car c’est précisément cette capacité des élèves à être très autonomes (1) avec l’outil, aussi bien au niveau de son emploi que de sa gestion journalière qui a sans doute contribué au déploiement de cette discipline coopérative de travail.

Dans le cadre de l’utilisation d’outils numériques, certaines pratiques posent la question de l’autonomie réelle des élève en termes d’usage et de gestion. Prenons le cas d’un webjournal réalisé numériquement, les élèves sont-ils réellement capables de gérer la mise en ligne des contenus ou la maintenance du site construit ? Et dans ce cas précis, l’enseignant ne doit-il pas faire preuve d’une forme d’autorité en prenant en charge ces aspects du projet, au risque de voir les élèves partiellement dépossédés de ce dernier ? Si certains projets conduisent les élèves à être moins autonomes, ils n’en restent pas moins qu’ils ne doivent sans doute pas être écartés à cet unique motif en quel cas on en arriverait à forme nouvelle d’alignement: le refus autoritaire de l’enseignant de peur d’avoir à participer trop activement à la réalisation du projet compte tenu de certains aspects pour lesquels il estime les élèves trop peu autonomes. La question n’est donc pas tant de discréditer tel ou tel projet selon le degré d’autonomie des élèves mais plutôt d’inscrire le gain de cette autonomie au tableau des compétences à développer.

Conclusion

Le numérique permet assurément à l’enseignant de conduire des activités organisées par une discipline coopérative de travail. Encore faut-il que, d’une part, la pratique sélectionnée suffisamment dimensionnée en fonction et que, d’autre part, cet enseignant soutienne les élèves dans cette démarche en se proposant comme acteur réel de cette coopérative en construction.

Pour aller plus loin

L’article ci-dessous propose un regard, à travers l’analyse de plusieurs pratiques numériques, sur la notion d’autonomie qui n’est pas utilisée explicitement par Freinet dans le Code pratique des invariants (Freinet, 1964). L’occasion également d’interroger le rôle de l’enseignant au cœur de ce processus créatif à plusieurs mains.

(1) Chapeau, E. (2022). L’autonomie à l’épreuve du numérique et de la pédagogie Freinet. Didactiques en Pratique, 8.

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