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Invariant n°10 de Célestin Freinet

INVARIANT n° 10 : Plus de scolastique.

La scolastique, c’est une règle de travail et de vie particulière à l’Ecole et qui n’est pas valable hors de l’Ecole, dans les diverses circonstances de la vie auxquelles elles ne sauraient donc préparer.
Nous vous proposons un moyen simple de détection de la scolastique.
Si vous voulez savoir dans quelle mesure une forme de travail est scolastique et si donc vous devez lui appliquer le feu orange ou le feu rouge, posez-vous les questions suivantes : 

-Si on m’obligeait à faire ce travail, le ferais-je volontiers et avec efficience ?

Si j’étais à la place de cet élève
, travaillerais-je avec plus d’enthousiasme et d’application ?
-Si je laissais ouvertes les portes de la classe avec liberté totale de sortir quand on le désire, les enfants resteraient-ils à leur travail ou se sauveraient-ils vers d’autres activités ? 

Test : 

Travaux que nous ferions nous-mêmes avec intérêt, auxquels élèves et maîtres sont capables de s’appliquer en dehors des heures légales, pendant les récréations, sans voir l’heure passée. VERT

Travaux plus ou moins marqués d’école moderne, mais pour lesquels dans les conditions actuelles de l’Ecole et du milieu, la part de la scolastique reste encore plus ou moins importante, pourvu qu’on s’en rende compte. ORANGE

Travaux scolastiques traditionnels. ROUGE

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Balise 2

Évitez les pratiques numériques exclusivement scolaires

Une scolastique numérique?

Cette balise est étroitement liée à l’invariant n°10 de Célestin Freinet. Cet invariant est basé sur la réappropriation, par Freinet, de la notion ancienne de scolastique et à son impact sur les apprentissages dispensés en classe. Dans le contexte d’une école numérique, cette notion de scolastique peut s’interroger de cette manière: doit-on exclure de l’approche Freinet du numérique certains usages numériques au motif qu’ils sont non valables en dehors de l’école c’est-à-dire en incapacité de préparer l’élève aux circonstances de la vie réelle? Quelles activités numériques présenteraient alors une forme spécifiquement scolaire1, sans lien aucun avec le réel, à l’instar des quelques exemples cités par Freinet dans son texte Comment déceler et éviter la scolastique (Freinet, 1948) dans lequel il présente certains exemples scolastiques comme les devoirs ou les leçons que nous n’aurons plus jamais dans la vie ou encore cette géographie de définitions sans rapport avec la vraie géographie que la vie nous offre.

Pour répondre à cette question, nous allons envisager trois cas de figure distincts et représentatifs des pratiques numériques organisables en classe. Nous les présentons en ordre décroissant selon l’intensité de la dimension scolastique identifiée.

Numérisation des supports

Le premier cas de figure relève de la numérisation de certains supports d’activités pouvant être considérées comme scolastiques. Sans être exhaustif, nous pourrions citer ici l’usage de vidéos à caractère pédagogique dans le cadre d’un cours d’histoire qu’on enseigne et dont l’enfant n’a que faire à cet âge, l’usage d’un dictionnaire numérique en lieu et place du dictionnaire traditionnel pendant une dissertation, ou encore un usage du TBI à la place du tableau lors d’un enseignement frontal du professeur. Bien que ces activités fassent l’objet d’une forme de lifting numérique via la numérisation de certains supports, elles cadrent toujours avec la notion de scolastique de Freinet parce que ces activités conservent ce décalage entre la classe et le réel. Même à l’aide d’outils numériques, on disserte peu dans le monde réel et le TBI, utilisé frontalement, ne change rien au comportement scolastique du professeur qui impose d’autorité la leçon aux élèves.

Des activités numériques utiles pour le monde de demain

Le second cas de figure repose sur une tendance actuelle qui envisage de faire réaliser aux enfants des activités numériques nouvelles en milieu scolaire en vue de les préparer (ou de les formater) au monde de demain. Nous pourrions citer comme exemples les activités de codage, de programmation ou de manipulation de robots. Cette perspective très fonctionnelle des apprentissages numériques inverse la mise en garde de Freinet. Lui veillait à ce que l’école s’attache à développer du lien avec le réel. Ici, c’est le réel (et même son futur envisagé) qui impose des pratiques numérique scolaires au détriment des besoins et des désirs immédiats de la grande majorité des enfants pour qui, coder ou manipuler des robots, n’est pas naturel.

Des activités numériques en lien avec la culture numérique des élèves

Le troisième cas de figure repose sur l’idée que l’école peut s’approprier certains usages numériques des élèves issus du monde réel et injecter ces usages au cœur de la classe. Les réseaux sociaux, les jeux vidéo, la publication web, les moteurs de recherche sont des objets numériques à hauteur d’élèves dans le réel et semblent dès lors être, à priori, plus appropriés à des pratiques scolaires car en lien direct avec le réel. Ce mouvement participerait alors à la réduction d’une nouvelle fracture numérique2 (new digital devide, Buckingham 2007). Une fracture qui relève précisément d’un clivage entre l’expérience scolaire du numérique par les élèves et leurs pratiques numériques dans la sphère privée. Sans ce lien, l’école ne permet pas aux élèves de porter un regard réflexif et critique sur leurs pratiques et, par conséquent, pour reprendre Freinet, l’école ne les prépare pas à des usages numériques mieux maitrisés dans le monde réel.

Détecter la scolastique numérique

Freinet, dans son invariant, propose un moyen simple de détection de la scolastique. Ce dispositif est-il (toujours) opérationnel pour évaluer la dimension scolastique de certaines activités numériques ? Certaines caractéristiques du numérique en contexte scolaire ne sont-elles pas susceptibles de perturber la réalisation du test par les enseignants actuels souhaitant évaluer la teneur scolastique de certaines activités réalisables ou réalisées en classe ? La question est donc de voir si le numérique peut troubler ce détecteur qui repose essentiellement sur la capacité de l’enseignant à se glisser dans la peau de l’élève et à évaluer, depuis cette position, la réalisation de l’activité selon plusieurs critères dont les  trois plus importants nous semblent être l’enthousiasme, l’efficacité et l’aspect non contraignant. Mettons maintenant ce détecteur à l’épreuve des pratiques numériques mentionnées auparavant.

Au niveau de la numérisation des supports, une forme de danger, pour l’enseignant, serait de le voir considérer comme acquis par l’élève, son propre enthousiasme à l’idée d’utiliser de nouveaux supports numériques qu’il juge, par ailleurs, plus efficaces et motivants. Ainsi, cet enseignant choisirait de développer ces activités en contexte Freinet au motif qu’elles sont, pour l’élève, au moins provisoirement, très efficaces et motivantes compte tenu des supports numériques nouvellement introduits en classe. Dès lors, le numérique risque de masquer la dimension scolastique des activités qui demeurent toutefois intrinsèquement scolastiques.

Concernant les activités numériques très instrumentales, la toute grande majorité des enseignants n’ont aucune expérience de ces pratiques numériques très professionnelles. Comment peuvent-ils dès lors opérer la translation du professeur à l’élève suggérée par Freinet et s’imaginer élèves en train d’accomplir des activités de codage ou de manipulation de robots alors que rappelons-le, ces activités relèvent déjà d’un imaginaire inaccessible pour l’enseignant en tant qu’adulte ?

Il leur est donc pratiquement impossible d’estimer a priori l’enthousiasme ou la motivation des élèves, ainsi que l’efficacité réelle de ces apprentissages jugés par certains indispensables et par d’autres totalement superflus.

Les activités basées sur la culture numérique des élèves, bien plus ancrées dans le réel des élèves et de l’enseignant, semblent mieux rencontrer chaque critère du test de détection. Le professeur peut, en effet, aisément s’identifier comme cet élève évoluant au milieu d’une culture numérique dont plusieurs aspects lui sont encore inconnus et dont l’école pourrait prendre en charge l’éducation, afin de l’amener à mieux contrôler son environnement numérique immédiat. Quelques bémols cependant. D’une part, un enseignant pourrait fort légitimement estimer qu’un élève est peu enthousiaste à l’idée de reproduire à l’école des activités qu’il est susceptible de réaliser, parfois fréquemment, à la maison. D’autre part, cette continuité entre les pratiques hors de l’école et à l’école pose également la question de l’efficacité car, dès l’instant où des pratiques extra scolaires régulières d’élèves s’installent à l’école, toute la question est d’évaluer la plus-value de l’école en matière d’apprentissages.

Conclusion

Nous pouvons poser deux observations. D’une part, la question d’une scolastique numérique est très interdépendante de la nature et fonction des activités ou supports numériques introduits dans les classes. D’autre part, le caractère scolastique d’une activité numérique est difficilement identifiable à l’aide de l’unique moyen de détection proposé par Célestin Freinet. Nous envisageons deux raisons inhérentes à ce frein. La première est le fait que le numérique induit plutôt un geste d’intégration de pratiques nouvelles au cœur de la classe alors que Freinet invitait essentiellement les enseignants à écarter des pratiques déjà très (trop) installées dans les classes3. La seconde relève d’un forme de gouffre entre le profil numérique des élèves et celui des enseignants, ce qui complexifie plus encore ce si j’étais à la place de cet élève sur lequel repose l’outil de détection.

Pour aller plus loin

Je vois conseille la lecture de l’article de David Buckingham placé dans la bibliographie. Ce document permet une bonne entrée en matière quant aux enjeux de l’éducation à la littératie médiatique avec une perspective historique intéressante. L’occasion d’en apprendre plus sur la notion de fracture numérique et de découvrir comment, selon l’auteur, une troisième fracture vient s’ajouter aux deux premières (bien connues): fractures d’accès et d’usage.

1 J’entends par scolastique toutes techniques, tous comportements, tous travaux qui sont spécifiquement scolaires, qu’on fait à l’Ecole, parce que l’Ecole a cru parfois avoir des fins propres, isolées de la vie, et qui nécessitaient donc des formes particulières d’étude et de travail in L’Educateur n°3, Comment déceler et éviter la scolastique, C.Freinet – année 1948-1949

2 Buckingham, D. (2007). Media education goes digital : An introduction. Learning, Media and Technology, 32(2), 111.

3 La raison d’être de ce « plus de » scolastique, intitulé de l’invariant

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