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Invariant n°12 de Célestin Freinet

La mémoire, dont l’École fait tant de cas, n’est valable et précieuse que lorsqu’elle est intégrée au Tâtonnement expérimental, lorsqu’elle est vraiment au service de la vie.

Dans le cas contraire, elle ne joue l’effet que d’une bande magnétique qui enregistre des mots pour les restituer à la demande, sans qu’il y ait le moindre processus intelligent d’intégration à la vie mentale. « Savoir par cœur n’est pas savoir » disait déjà Montaigne qui avait alors fulminé contre cette habitude des scolastiques d’imposer les connaissances comme qui verserait dans un entonnoir. Une bonne mémoire est évidemment précieuse. On a conclu alors que pour avoir cette bonne mémoire, il fallait exercer sans cesse cette faculté comme si elle était un véhicule essentiel de la connaissance.

Mais contrairement à la croyance générale des scolastiques, la mémoire ne se cultive pas par l’exercice. On peut, par ce biais, acquérir certains procédés mnémotechniques qui font illusion . L’usage mécanique de la mémoire tend au contraire à la fatiguer et à l’épuiser. C’est ce qui arrive avec notre jeunesse malmenée. Malheureusement, tout l’enseignement scolastique est fondé sur la mémoire, et les examens mesurent exclusivement les acquisitions de mémoire.

Test :

Donner un enseignement vivant où la mémoire ne joue que son rôle d’aide technique. VERT

Pour un enseignement où la mémoire a encore une trop large part mais où l’on commence cependant la culture en profondeur. ORANGE

Pour une éducation et une motivation de mémoire. ROUGE

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Développez une mémoire de travail grâce au numérique

Mémoire par cœur et mémoire de travail

Cet invariant n°12 de Célestin Freinet, dans son intitulé, pose d’emblée un distinguo établi par Freinet entre un savoir par cœur mécanique et superficiel et des activités de mémorisation intégrées à une démarche du tâtonnement, plus en lien avec l’expérience de vie de l’élève. Freinet ne remet donc pas en question l’importance de la mémoire mais il oppose deux stratégies pour l’entrainer : l’une (plutôt à proscrire) est basée sur une mécanique enregistrement – restitution de savoirs hors sol, non contextualisés. L’autre (plutôt à favoriser) repose sur la mise en œuvre d’un travail, d’une expérience générant des besoins de mémorisation plus ancrés dans le réel de l’élève.

Toute la question est donc d’étudier une éventuelle contribution du numérique sur le développement de la capacité de mémorisation des élèves et d’estimer l’influence du numérique sur le clivage originel entre les deux stratégies antinomiques de mémorisation.

Le numérique pour externaliser l’enregistrement des données

Concernant la stratégie enregistrement – répétition, Freinet propose dans cet invariant une analogie entre la mémoire de l’élève et un support technique (une bande magnétique) de stockage d’informations. C’est précisément ce que Freinet reproche à l’école traditionnelle: transformer l’élève en un enregistreur de données qui n’ont, à ce stade du développement de l’enfant, de sens qu’aux yeux de l’adulte.

De ce point de vue, on constate que le numérique est susceptible d’opérer une forme de translation entre l’élève et la machine en externalisant l’enregistrement des données autrefois stockées dans la mémoire individuelle de l’élève sur des supports tiers facilement accessibles, en tout lieu, à tout instant. Tous les enseignants perçoivent cette mutation (ce fantasme) et, en classe Freinet comme ailleurs, il devient de plus en plus difficile de légitimer la mémorisation de savoirs se trouvant à portée de clic.

Mémoire par clic et mémoire par cœur : des compétences différentes pour l’élève

Toutefois, l’enseignant doit veiller à ne pas se faire abuser par ce progrès technique qui certes tend à réduire la zone d’influence de la mémoire par cœur mais principalement au bénéfice d’une démarche de consultation de données qui s’organise sans mémorisation. Ce que l’on pourrait dénommer la mémoire par clic repose donc sur l’idée que les informations sont stockées et accessibles à distance précisément sans avoir dû être mémorisées par l’élève. Bref, mémoire par cœur et mémoire par clic permettent certes d’accéder à de l’information mais via des démarches cognitives différentes, ce qui impacte le développement des compétences de l’élève. La mémoire par cœur développe bien des compétences de mémorisation même si, comme le souligne Freinet, son exercice répétitif et quasi mécanique risque de lasser et fatiguer les enfants. La mémoire par clic développe principalement des compétences de navigation dans le domaine de l’éducation aux médias et en rien la capacité des enfants à travailler ou mémoriser de l’information. Dans ce cas, cette mémoire par clic est sans doute le procédé moderne qui fait illusion si d’aucuns la considèrent comme la simple doublure de la mémoire par cœur.

Des expériences pour générer un besoin de mémorisation

Pour avoir une bonne mémoire selon une approche Freinet, c’est bien du côté de l’expérience que l’enseignant doit prioritairement se tourner pour amener l’élève à développer une mémoire de travail, c-a-d une démarche cognitive de mémorisation dans le cadre d’une expérience motivante et formatrice. Dans cette optique, c’est le besoin de comprendre certains phénomènes ou le besoin de pouvoir répondre à certaines questions qui conduit l’élève à chercher et à consulter des informations susceptibles de faire avancer sa compréhension. Et comme l’élève est amené à rencontrer plusieurs fois ces situations, en classe ou non, il retient, par besoin et envie, les informations nécessaires pour vivre et réussir cette expérience. C’est donc bien dans le cadre de cette expérience de vie que la mémoire numérique externalisée peut être mobilisée et travaillée par l’élève. En effet, au gré de l’expérience, l’élève cherche à se documenter, notamment via des outils numériques et parfois il estime nécessaire de mémoriser certaines informations qui s’avèrent déterminantes pour réussir l’expérience et la reproduire. En somme, ces informations alors externalisées sur des supports numériques sont intériorisées par l’élève au motif qu’elles lui ont permis de progresser.

Conclusion

Une question essentielle est donc de savoir dans quelle mesure l’externalisation de certaines facultés cognitives comme la mémoire « augmente ou diminue » (Chang & all., 2015) l’élève lors de son processus d’apprentissage. Le parti pris de l’approche Freinet est d’inscrire le processus de mémorisation dans une logique de besoin de l’élève ou pour le dire autrement, une volonté de contextualisation du processus de mémorisation à un besoin rencontré lors d’une expérience menée dans ou hors de la classe.

Pour aller plus loin

L’article proposé en bibliographie revient sur la relation entre externalisation et apprentissages notamment en questionnant le potentiel réel de l’élève multitâches. Par ailleurs, l’article développe une vision prospective sur différentes technologies cognitives dont certaines sont aux portes de nos écoles.

Chang, C.-Y., Tijus, C., & Zibetti, E. (2015). Les apprentissages à l’heure des technologies cognitives numériques. Administration & Éducation, 146(2), 91‑98. https://doi.org/10.3917/admed.146.0091

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