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Invariant n°18 de Célestin Freinet

Personne, ni enfant ni adulte, n’aime le contrôle et la sanction qui sont toujours considérés comme une atteinte à sa dignité, surtout lorsqu’ils s’exercent en public.

Il n’y a qu’à vous rappeler dans quel état d’opposition souvent malveillante vous place le contrôle d’un gendarme, même si vous êtes en faute.

De ce point de vue, la correction des devoirs et des exercices et la récitation des résumés sont toujours une raison de trouble et d’opposition de l’enfant.

Cela est incontestable.

On dit volontiers que c’est un mal nécessaire et qu’il faut bien qu’on ordonne et qu’on contrôle : la réaction argumente toujours ainsi lorsque en face d’initiatives révolutionnaires, elle entend défendre la tradition et ses privilèges. Et pourtant, si nous trouvions la possibilité de supprimer ces pratiques perturbantes, la pédagogie ferait un pas encourageant.

Ce ne sont pas tant les corrections en elles-mêmes qu’il nous faut abandonner, mais bien plutôt modifier l’attitude du maître vis-à-vis du travail de l’enfant.

A l’Eco1e traditionnelle l’enfant est, en principe, toujours fautif. Le maître a tendance à voir dans les travaux de ses élèves non ce qui est bien, mais ce qui est, selon lui, condamnable. Il ressemble en cela aux gendarmes qui sont toujours à la recherche des délinquants.

Cette situation d’infériorité et de faute est essentiellement avilissante. Elle est certainement une des causes principales des échecs scolaires et de l’aversion que l’enfant éprouve de bonne heure pour les choses d’école.

Et pourtant, dira-t-on, il faut bien qu’on corrige les défauts et les faiblesses des enfants, sinon ils ne feront jamais effort pour s’améliorer.

La maman ne gronde jamais son enfant parce qu’il a mal prononcé un mot ou qu’il est tombé lors de ses premiers pas. Elle sait, intuitivement, que l’enfant, par nature, fait tout son possible pour réussir car l’échec le déséquilibre. S’il a fauté c’est qu’il n’a pas pu faire autrement. Notre rôle d’éducateur est semblable : non corriger mais aider à réussir et à dépasser les erreurs.

L’attitude aidante est la seule valable en pédagogie. Mais elle suppose évidemment qu’on a reconsidéré les techniques de travail, que les méthodes naturelles ont fait place à la scolastique et que les enfants travaillent de leur plein gré, sans l’autorité du maître.

Intéresser l’enfant à son travail et à sa vie d’enfant reste donc le premier des objectifs de l’Eco1e Moderne. On peut voir, dans nos divers écrits, dans nos classes et dans nos expositions, dans quelque mesure nous avons amorcé cette révolution pédagogique.

Test :

Vous avez supprimé les corrections à l’encre rouge, vous avez adopté une attitude aidante. VERT

Vous n’êtes encore qu’à mi-chemin de cette conquête. ORANGE

Vous en restez encore aux vieux principes de correction et de sanctions. ROUGE

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Balise 21

Sanctionnez avec justesse le travail numérique de l’élève

Deux postures pour évaluer le travail de l’élève

Cet invariant n°18 de Célestin Freinet s’organise autour d’un clivage entre deux postures enseignantes face à un travail d’enfant insuffisant. La mauvaise posture enseignante relève du contrôle autoritaire du maitre qui sanctionne l’erreur de l’élève fautif en lui attribuant de mauvaises notes. Selon Freinet, ce type de sanction infériorise et démotive l’élève.

La bonne posture relève d’une attitude digne de l’enseignant qui repose notamment sur la considération de l’échec comme une étape inhérente à tout processus d’apprentissage.

Dans cette perspective, l’enseignant doit prioritairement se focaliser sur des dispositifs d’aide à la réussite notamment via l’usage de techniques stimulantes pour les enfants. C’est le cœur du paradoxe identifié par Freinet dans cet invariant : sanctionner abusivement ou sévèrement l’échec génère, par rebond, davantage d’échecs via l’impact de cette sanction sur l’enfant et son rapport négatif aux apprentissages.

Sanction et numérique

Que cette sanction s’exécute ou non dans des domaines d’apprentissages numériques ne modifie pas le distinguo opéré par Freinet.  Dans une approche Freinet, l’enseignant qui développe des usages numériques en classe doit donc privilégier la seconde posture, c’est évident.

Mais, de notre point de vue, dans le cadre de certains usages numériques comme le recours à des dispositifs d’apprentissage à distance, l’enseignant doit se montrer particulièrement vigilant quant à cette question du contrôle et de la sanction.

Contrôler le travail à distance de l’élève

En effet, via ces dispositifs (comme les classes virtuelles ou les espaces numériques de travail) les enseignants peuvent récolter un certain nombre de données statistiques au sujet du travail de l’élève. Ces plateformes (pour le dire vite) permettent en effet de profiler les usagers selon différents paramètres comme, par exemple, la fréquence et durée moyenne de connexion des élèves, leur taux de remplissage de grilles d’exercices ou encore la latence de leur réactivité à des commentaires postés par l’enseignant. Les promoteurs de ces outils vantent (vendent) précisément cette possibilité de monitorer l’élève à distance de la classe afin d’avoir un regard plus ciselé sur son travail.

Ceci dit, selon une approche Freinet, l’usage de ces données mérite d’être particulièrement soupesé pour plusieurs raisons importantes.

Cadre de travail à distance : des inégalités profondes

La première raison est assez évidente : tous les élèves ne sont pas égaux en termes d’accès ou de maîtrise des outils numériques mis à leur disposition. L’inactivité d’un élève sur une plateforme ne traduit pas automatiquement son incapacité ou son indifférence à réaliser les tâches demandées. Plus largement, l’extension de l’école à la maison (Genevois & Poyet, 2010) par le biais des plateformes reste très conditionnée, en termes de réussite, à la capacité de la maison à accueillir l’école. Ces dispositifs génèrent de nouvelles contraintes pour les familles et donc de nouvelles inégalités.  De facto, sanctionner le travail d’un élève sur une plateforme sans chercher à connaître les causes profondes de ses difficultés semble très peu conforme à la bienveillance prônée par Freinet.

Évaluer un travail à distance. Oui, mais quel travail ?

La seconde raison est moins évidente et tient dans le fait que certaines données collectées sur les plateformes numériques de travail informent au sujet d’une activité qui n’a pas les caractéristiques du travail au sens Freinet du terme, c’est-à-dire cette activité choisie par les élèves et développée sur une base empirique via, notamment, une double articulation entre l’autonomie et la collaboration. Les plateformes proposent le plus souvent des exercices ou du drill voire la consultation de cours ex cathedra encapsulés en vidéo. On tâtonne peu en ligne. Par ailleurs, ces outils dits « coopératifs » proposent bien souvent du travail très individuel. Via ces outils d’apprentissage à distance, ce n’est pas vraiment un travail Freinet qui est demandé à l’élève et nul doute que certains élèves, rôdés à des pratiques de classe aux antipodes des modalités de travail inhérentes aux plateformes numériques, éprouvent des difficultés profondes pour réaliser certaines tâches. Par ailleurs, par delà l’horizon Freinet d’apprentissage, toute mobilisation d’une technologie nouvelle dans le domaine de l’enseignement génère une transformation du travail et souvent une adaptation des stratégies d’apprentissage par l’enseignant. Donc il revient à l’enseignant d’intégrer cette dimension à son évaluation du travail de l’élève car la capacité d’adaptation du dit-élève à ces nouveaux dispositifs devient,  dans cette perspective, un vecteur de réussite et d’échec.

Conclusion

Les données statistiques ne reflètent pas ce déséquilibre entre la tâche exigée par ces plateformes et le travail au sens Freinet du terme, ni ce déséquilibre entre l’environnement numérique de travail et la forme scolaire coopérative et solidaire. Par conséquent, les données statistiques générées par ces plateformes numériques nous paraissent devoir être principalement utilisées par l’enseignant pour jauger les effets de ce bouleversement sur les élèves et au besoin y répondre. Mais en aucun cas elles ne nous semblent devoir être exploitées pour justifier une forme de sanction ou de contrôle autoritaire du travail de l’élève. Plus largement, l’intégration du cercle familiale dans l’espace – temps scolaire mérite assurément une prise en compte, par l’enseignant, de certaines difficultés résultant de la structure très inégalitaire des conditions familiales des élèves, tant en termes matériel que relationnel.

Pour aller plus loin

L’article propose un regard sur l’école étendue » à savoir l’intégration massive des espaces numériques de travail (ENT) en France. On perçoit les tensions suscitées par cette extension et le fait que cette re-territorialisation induit de profonds bouleversements pour les enseignants comme pour les élèves.

Genevois, S., & Poyet, F. (2010). Espaces numériques de travail (ENT) et « école étendue ». Vers un nouvel espace-temps scolaire ? Distances et savoirs, 8(4), 565‑583.

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