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Invariant n°23 de Célestin Freinet

Les punitions sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n’aboutissent jamais au but recherché. Elles sont tout au plus un pis-aller.

Pourtant, il est des cas, nous dira-t-on, où la punition devient une nécessité, où elle est la seule solution pour maintenir l’ordre.

Et cela est exact. Mais c’est que l’erreur a été commise avant nous, ou en dehors de nous et que nous en supportons la triste conséquence. Quand les enfants ont été battus fréquemment dans la famille, ils se sont forgé une technique de vie à base de coups et de punitions. Ils sont provisoirement insensibles à toutes autres techniques de vie, et le redressement sera parfois terriblement long et difficile.

Si les enfants sont mal nourris, mal logés, s’ils ne sont pas habitués au travail, nous aurons fort à faire pour parvenir à un ordre fonctionnel. L’erreur a été commise hors de nous aussi.

Ce n’est pas en emboîtant le pas à l’erreur qu’on la corrigera, c’est en œuvrant pour rendre les punitions inutiles.

Observez très loyalement un enfant qu’on punit ; étudiez vos propres réactions aux punitions que vous avez subies. Il y a toujours un élément d’opposition, de colère, de vengeance, parfois de haine. Il y a toujours humiliation, même si cette humiliation est masquée sous un air de bravade, de fierté ou de rodomontade.

Si la punition est toujours une erreur, chaque fois que vous y avez recours, vous commettez une fausse manœuvre, même si en apparence tout semble entrer dans l’ordre, même si vous n’en voyez pas tout de suite les conséquences.

C’est dans la mesure où nous intéressons les enfants au travail dans la classe, où nous satisfaisons leur besoin de création, d’enrichissement et de vie, que la classe s’harmonisera et que les sanctions seront inutiles.

Nous ne disons pas que ne pas punir soit une chose simple. L’ordre et la discipline sont l’aboutissement de toutes les conditions de travail dans la classe, et ces conditions sont bien souvent encore tellement péjoratives !

Mais cela ne nous empêche pas de raisonner juste et de mesurer l’importance de nos erreurs, même si nous ne pouvons pas toujours y parer.

Test :

Vous avez totalement supprimé les punitions sous leur forme de sanction automatique. VERT

Vous essayez de supprimer les punitions, mais vous notez encore trop souvent des rechutes symptomatiques. ORANGE

Vous croyez les punitions nécessaires, donc acceptables. ROUGE

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Ne punissez pas le capital numérique des élèves

Éducation familiale et répercussions scolaires

Dans son invariant n°23, Célestin Freinet écarte l’idée que l’élève puisse faire l’objet d’une punition en classe. Cette radicalité s’explique par le lien très étroit que Freinet établit entre l’éducation à laquelle a accès l’élève dans son cercle familial et les répercussions de cette éducation sur son comportement en classe.

Pour éviter les fausses manœuvres punitives, Célestin Freinet invite l’enseignant à faire preuve d’une double responsabilité.

La première est de ne pas sanctionner hâtivement et arbitrairement un enfant pour des comportements hérités de cette éducation familiale défaillante. Toute la première partie du texte originel de l’invariant condamne cette forme d’humiliation infligée par l’école à des enfants dont la technique de vie est parfois forgée, chez eux, par les coups et les brimades.

La seconde responsabilité est d’œuvrer à la construction d’un cadre de travail dans lequel chaque enfant, quel que soit son patrimoine familial, peut s’épanouir. C’est donc bien l’organisation du travail sous la forme coopérative qui génère l’ordre et la discipline en permettant à chaque enfant de trouver sa place au cœur de l’organisation.

Numérique familial et travail scolaire

Une question importante à envisager est de s’interroger par rapport au statut du numérique en regard de cette articulation famille et école et d’étudier la possibilité que certains éléments liés à une éducation familiale au numérique puissent rejaillir en classe et conditionner le comportement de certains élèves. De ce point de vue, deux aspects nous paraissent intéressants à questionner.

Le premier aspect repose sur le constat que le premier contact de l’enfant au numérique est pratiquement toujours récréatif : visionnage d’un film, applications de dessin ou de jeux, etc. Parfois le numérique vient également combler un vide, c’est-à-dire l’ennui, auquel certains enfants ne sont plus confronté grâce à un accès rapide aux écrans. Sans préjuger des vraisemblables impacts en matière de développement de l’enfant (c’est un autre débat), observons simplement que l’enfant n’est pas habitué au travail numérique à la maison et il risque dès lors d’avoir des difficultés avec ce que Freinet appelle l’ordre fonctionnel , à savoir la capacité de l’élève à fonctionner correctement dans une logique de travail. En ce sens, les représentations des parents par rapport au numérique jouent également un rôle-clé au niveau éducationnel. « Ainsi, quel que soit le milieu social, les supports numériques sont appréhendés soit comme des outils d’apprentissage, alors valorisés comme favorables à la réussite scolaire et sociale, soit comme des sources de divertissement, avec des représentations négatives sur les contenus proposés. Ces représentations se traduisent dans les actes »(Fontar, Grimault-Leprince & Mentec, 2021). La dynamique familiale (Ibid.) joue donc un rôle-clé par rapport à la construction d’un rapport éducatif de l’enfant au numérique, ce qui expliquerait certains écarts (notamment comportementaux) d’enfants face à une logique de travail et d’apprentissages en classe au moyen d’outils numériques.

Le second aspect est la dimension très individuelle ou égocentrée des pratiques numériques dans le cercle familial. La multiplication des supports comme les GSM et les tablettes jouent sans doute un rôle-clé dans ce rapport très personnel de l’enfant à l’écran au travers des usages les plus répandus comme le visionnement de contenus multimédias, les jeux vidéo, les réseaux sociaux. Le numérique se construit très tôt sur un rapport individuel (et assez passif) à l’écran alors que la communauté de travail exige des interactions très fonctionnelles entre les membres du groupe classe, des capacités communicationnelles décisives pour structurer cette organisation sociale. À nouveau, l’enjeu ici est de considérer que ces capacités sont plutôt une visée pédagogique et non un bien commun à ces élèves au motif qu’ils arpentent parfois des communautés virtuelles (réseaux sociaux, communauté de joueurs, etc.) dans le cadre d’usages domestiques du numérique.

Travail familial numérique et injonctions scolaires

Freinet n’évoque pas, dans son texte, le mouvement inverse, à savoir comment l’éducation scolaire impacte le comportement de l’enfant dans la sphère familiale. Cependant, cet élément prend tout son sens dans le cadre d’activités numériques réclamées par l’école et devant être réalisées à la maison. Prenons l’exemple du confinement. Certains élèves ne pouvaient pas travailler sur les plateformes collaboratives car aucun ordinateur n’était présent dans le cercle familial. Le gsm des élèves, parfaitement adapté à leurs usages récréatifs ne pouvaient répondre à ces modalités nouvelles de travail pour diverses raisons comme la taille de l’écran pour lire les contenus postés en ligne. On constate donc que si le numérique s’impose comme une réalité pour les deux univers que sont l’école et la famille, il convient de tenir compte des spécificités de chaque environnement pour anticiper et au besoin réagir face à de probables distorsions générées par le statut singulier qu’occupe le numérique dans chacun de ces environnements.

Conclusion

Il apparait donc que la mise en garde de Freinet quant à l’incidence de l’éducation familiale des élèves sur leur comportement en classe (et le risque de punition sous-jacent) est à considérer dans le domaine du numérique compte tenu d’une profonde tension, dès les premières années d’éducation des élèves, entre leurs pratiques intrafamiliales récréatives et égocentrées et l’organisation Freinet d’un travail coopératif scolaire.  De la même manière, des exigences numériques imposées au élèves dans le cadre d’un travail domiciliaire invitent à prendre en considération d’éventuelles difficultés pour l’élève pour réaliser ce travail dans le cercle familial.

Pour aller plus loin

L’article proposé en bibliographie est très instructif pour comprendre le poids de la dynamique familiale sur la construction d’un rapport éducatif de l’enfant au numérique. Plusieurs stratégies sont détaillées et on perçoit très bien à quel point l’école doit conjuguer avec cette variable éducationnelle intrafamiliale.

Fontar, B., Grimault-Leprince, A., & Le Mentec, M. (2021). Dynamiques familiales autour des pratiques numériques des adolescents. Informations sociales, 202(1), 31‑38. https://doi.org/10.3917/inso.202.0031

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