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Invariant n°16 de Célestin Freinet

L’enfant n’aime pas écouter une leçon ex cathedra.

Ce n’est pas spécialement par distraction ou paresse. Pour les raisons que nous avons déjà données, l’enfant et l’homme n’aiment pas écouter ce qu’ils n’ont pas sollicité et dont ils ne sentent pas le besoin vivant. C’est ce qui explique le faible rendement de ces leçons et tous les artifices que les éducateurs ont dû inventer pour obliger les enfants à se plier aux leçons magistrales. Et pourtant dira-t-on, il faut bien que l’enfant apprenne et comprenne ce qu’il ne sait pas et que donc le maître doit lui enseigner. Mais peut-être y a-t-il d’autres voies pour cet enseignement ?

Nos techniques apportent des solutions diverses à ces problèmes. Il y en a notamment une que nous recommandons. Si vous expliquez d’autorité par la leçon, nul n’écoute. Mais organisez votre travail de telle façon que l’enfant commence par agir lui-même, par expérimenter, par enquêter, par lire, par choisir et classer des documents. Il vous posera alors des questions qui l’ont plus ou moins intrigué. Vous répondez à ces questions : ce sera ce que nous appelons la leçon a posteriori.

Test :

Vous commencez, pour toutes les disciplines par l’expérience et l’information. VERT

Vous tâchez de rendre la leçon intéressante, mais elle reste la leçon. ORANGE

Vous n’avez pas dépassé le stade de la leçon ex cathedra. ROUGE

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Balise 15

Encadrez et soupesez le recours à un numérique ex cathedra

La leçon a posteriori

L’invariant n°16 de Célestin Freinet est parfois associé à une forme de refus total du cours magistral comme stratégie d’enseignement. Pourtant, à la lecture du texte de l’invariant, il s’avère que Freinet problématise principalement le positionnement du cours magistral dans le scénario pédagogique de l’enseignant. Il n’exclut pas le recours à l’ex cathedra mais il invite à commencer le cours par du tâtonnement expérimental et d’envisager a posteriori des leçons plus explicatives pour répondre aux questions intrigantes des élèves. Cette tension autour du rôle et de la place de l’ex cathedra nous semble intéressante à revisiter dans le contexte des apprentissages numériques au motif que certains dispositifs ou supports digitaux peuvent aisément être mobilisés dans le cadre de cette stratégie principalement basée sur le discours enseignant.

Les vidéos pédagogiques

Les capsules vidéo pédagogiques (1) recoupent plusieurs caractéristiques des leçons de type ex cathedra : l’émetteur fait autorité et explique un concept ou une notion à un destinataire en quête de savoirs. Le public écoute la vidéo pour apprendre ou comprendre la notion-cible. Le récepteur n’intervient donc pas au niveau de la construction du contenu numérique. La conception globale de ce contenu est prise en charge a priori par le créateur comme c’est le cas pour un enseignement choisi et dirigé par un professeur. Bien entendu, le numérique offre quelques options intéressantes pour l’apprenant comme la possibilité d’interrompre le flux à tout moment (les élèves ont rarement en classe l’opportunité de stopper net un discours magistral du professeur), la consultation du cours hors de la classe ou encore le fait de pouvoir visionner la vidéo plusieurs fois. Compte tenu de ces caractéristiques magistrales, l’usage de ces contenus en classe doit, nous semble-t-il, faire l’objet d’une attention particulière dans deux cas de figure.

Les vidéos pédagogiques explicatives

Le premier cas de figure est l’usage de ces clips vidéo indépendamment d’un travail organisé en classe ou, pour le dire autrement, l’idée selon laquelle ces clips seraient autosuffisants pour satisfaire les objectifs d’apprentissage ciblés par l’enseignant. Ce type d’usage s’incarne, par exemple, dans la diffusion en classe d’une vidéo pédagogique sans réelle contextualisation ou encore dans le cadre d’un enseignement à distance dont ces capsules formeraient le substrat essentiel.

Or, dans une approche Freinet du numérique et compte tenu plus spécifiquement de cet invariant, ce type de contenus numériques ne doit pas se substituer à la pratique du tâtonnement expérimental puisque dans cette approche, expériences et leçons coexistent, dans un certain ordre, au cœur du même scénario pédagogique.  Mais force est de constater que ces contenus numériques proposent précisément l’inverse c’est-à-dire la compréhension immédiate, rapide, d’une notion par le simple fait d’entendre et de voir. Le tout avec force d’attractivité via divers aspects comme le talent d’orateur de l’intervenant (qui n’est pas en direct devant l’élève, cela rend les choses plus faciles) ou encore un habillage audiovisuel très captivant. Parfois même, c’est la phase expérimentale qui est mise en scène dans ces contenus numériques (C’est pas sorcier en est l’archétype) donnant à penser que l’expérience peut faire l’économie de la classe via l’écran. Mais, rappelons-le, dans une approche Freinet, aussi efficaces ou séduisantes soient ces leçons numériques magistrales, elles doivent succéder à une expérience déjà vécue par l’élève pour ensuite lui apporter des réponses ou des compléments d’informations.

Les vidéos pédagogiques et la classe inversée

Le second cas de figure est la pratique de la classe inversée qui constitue un enseignement dans lequel « les élèves visionnent à leur domicile des capsules vidéo expliquant le contenu d’un cours théorique qui aurait pu être vu en classe, et réalisent en classe ce qui, dans une pédagogie traditionnelle, leur aurait été attribué comme devoir ». (Bergmann & Sams, 2014)

La classe inversée inverse donc le paradigme Freinet de l’antériorité et du rôle stimulant de l’expérience de l’élève par rapport à l’activité magistrale puisque, dans cette configuration, c’est bien la leçon magistrale qui, a priori, démarre l’activité et conditionne, selon le niveau de compréhension de l’élève, sa manière de participer à des activités différenciées plus actives en classe. Le rôle joué par l’ex cathedra est donc profondément modifié dans cette perspective d’enseignement numérique et il convient donc, dans une approche Freinet, d’y avoir recours selon des modalités spécifiques. Les clips numériques consultés à domicile peuvent être travaillés par les élèves pour éventuellement leur donner des prérequis dans le cadre d’un tâtonnement ultérieur en classe ou pour aiguiser leur curiosité et leur désir d’apprendre. On peut également imaginer que ces vidéos pédagogiques invitent et conseillent l’élève dans le cadre d’un tâtonnement autonome à domicile et que cette expérience personnelle soit exploitable en classe dans un cadre expérimental plus large.

Conclusion

Mais toujours est-il que cet enseignement à distance ne peut pas, dans une approche Freinet, s’envisager comme le vecteur d’une économie d’expériences en classe au motif que certains élèves auraient déjà tout compris ou appris via la leçon numérique consultée à distance en autonomie. C’est sans doute un paradoxe important de la classe inversée : dans une école traditionnelle, on y voit la promesse d’un enseignement plus actif et vivant (plus Freinet ?) en classe via l’externalisation de l’enseignement magistral à des outils numériques. Alors que, dans une perspective Freinet, ce dispositif s’appréhende plutôt comme le duplicata modernisé (en plus séduisant) de l’école traditionnelle qui place l’enseignement magistral sur un piédestal. Toujours est-il que seul un usagé maîtrisé de ce dispositif moderne peut permettre de concilier expérience et ex-cathedra, idéalement dans cet ordre.

Pour aller plus loin

L’article proposé ci-dessous dresse rapidement le portrait de la classe inversée et mentionne notamment le fait que ce dispositif s’inscrit dans une historicité pédagogique structurée autour de l’idée de proposer « autre chose » à l’élève que de l’enseignement transmissif de type ex cathedra.

(1) Ces capsules sont des clips vidéo (généralement courts) permettant au public d’accéder à des connaissances de façon multimédia. Parmi quelques exemples célèbres citons Mimaths, Hygiène mentale, C’est pas sorcier, Les coups de phil ou encore  les nombreuses vidéos de la Khan Academy.

Bergmann, J. et Sams, A. (2014). La Classe inversée. Québec : Editions Reynald Goulet inc. Technologie de l’éducation. p.152. ISBN : 978-2-89377-508-1

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