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Invariant n°20 de Célestin Freinet

Parlez le moins possible.

Nous avons beau faire, la vieille pédagogie nous a si bien marqués que nous avons toujours à parler, à expliquer, à démontrer, quand rien ne va plus.
Ménagez votre organe vocal habitué à surmonter tous les bruits, jusqu’à l’usure.
N’expliquez pas à tout propos : cela ne sert à rien. Moins vous parlez, plus vous agissez.
Celui qui travaille consciencieusement ne parle pas. Mais ce changement dans votre comportement et votre action suppose que vous avez conscience de notre Invariant n°13. On se forme, non par l’explication et la démonstration, mais par l’action et le tâtonnement expérimental. Il suppose aussi que vous avez la maîtrise du matériel et des techniques qui permettent une pédagogie plus efficiente.

Test :

Vous êtes organisés pour travailler ; vous avez supprimé les leçons. Vous parlez de moins en moins. VERT

Vous vous efforcez de moins parler mais vous n’avez pas encore opéré l’évolution pédagogique nécessaire. ORANGE

Vous vous en tenez de préférence aux vertus du langage explicatif. ROUGE

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Balise 14

Évoluez pédagogiquement avec le numérique

Parler moins pour expérimenter plus

« Parlez le moins possible ». Cette injonction formulée par Célestin Freinet dans son invariant n°20 est en quelque sorte le bras de levier de l’évolution pédagogique qu’il propose dans le sens ou ce repli de la parole de l’enseignant est le symbole du repli des pédagogies traditionnelles organisées autour de la parole du maitre. La pédagogie Freinet peut, en partie, se comprendre comment un glissement de la parole du professeur à la main de l’élève via la mise en place des techniques Freinet par le groupe classe, des situations d’apprentissage qui s’organisent autour du tâtonnement expérimental et non au départ du discours enseignant.

Il est donc essentiel d’étudier la manière dont le numérique est susceptible de contribuer ou de déranger ce glissement et d’analyser quelques pratiques sous cet angle.

Parler plus avec le numérique

Tout d’abord, observons que plusieurs pratiques numériques ont la capacité de contrebalancer ce glissement en repositionnant la parole du professeur au centre du jeu. C’est notamment le cas d’un usage très formaté d’un tableau interactif comme support visuel d’un discours enseignant ou encore le cas de capsules pédagogiques très démonstratives produites par un professeur dans le cadre d’un enseignement à distance. Dans ces situations d’apprentissage, la parole du professeur (re)devient le vecteur principal d’enseignement et le numérique (ren)force cette stratégie transmisse.

Il en va de même des usages du numérique pour introduire et utiliser en classe des contenus audiovisuels pédagogiques, c’est-à-dire des productions audiovisuelles organisées autour d’un discours très explicatif présenté souvent comme autosuffisant à sa bonne compréhension. La combinaison entre la multiplication des écrans dans les classes et la profusion actuelle des plateformes de diffusion à distance (Netflix, Auvio, etc.), place un nombre très conséquent de productions dites documentaires à portée de classes. Un emploi massif et non maitrisé de ces contenus risque de transformer la classe en un auditoire dans lequel la vidéo supplée  la parole magistrale du professeur.

La question n’est pas ici de remettre en cause l’efficacité pédagogique de ces dispositifs ou de ces usages du numérique mais plutôt d’inviter l’enseignant à être prudent, dans le cadre de notre approche, quant aux effets secondaires d’un emploi trop massif de ces dispositifs sur cet équilibre entre la parole enseignante et l’agir de l’élève.

Des silences sans révolution pédagogique

Cette prudence nous semble également devoir être de mise pour d’autres pratiques numériques qui, au contraire, forgent de longs temps de silence en classe. C’est notamment le cas des moments de consultation de ressources en ligne ou l’utilisation régulière et longue de diverses plateformes d’exercices de drill ou de renforcement. Dans ce cas, sans préjuger de la qualité du travail de l’élève, on conçoit tout de même que le repli de la parole en classe ne signifie pas l’action et le tâtonnement expérimental espérés par Freinet.

Les vieilles pédagogies nous marquent

Comme l’exprime explicitement Freinet, tout enseignant est influencé durablement par la représentation classique du rôle du professeur comme diffuseur de savoirs et épicentre de la connaissance. L’idée qu’une simple introduction du numérique en classe puisse pousser cet enseignant à revoir en profondeur ses croyances quant à son rôle en classe nous semble être un leurre d’autant plus que ce même enseignant, durant sa formation, n’a pas nécessairement expérimenté des usages du numérique qui réduisent concrètement sa dominance. « En fait, le numérique change la posture de l’enseignant si ce dernier le décide et s’il est convaincu que ce sera positif pour les élèves ainsi que pour lui. Le changement de posture de l’enseignant n’est pas une garantie de qualité de son enseignement en soi » (Thibert, 2014). De ce fait, un grand enjeu, nous semble-t-il, de la réforme actuelle de la formation est de permettre à ces futurs enseignants d’expérimenter, en contexte d’apprentissages numériques, des cadres d’enseignement qui renégocient la distribution de la parole et de l’autorité en classe. Forts de ces expériences contrôlées et sécurisées lors de leur parcours de formation, ces enseignants seraient assurément mieux armés, sur le terrain professionnel, pour changer de posture et développer les stratégies numériques les plus efficientes, en ce y compris celles qui invitent à ce repli de la parole enseignante au bénéficie de l’action des apprenants.

Conclusion

En parallèle de sa capacité à moderniser des stratégies ou supports basés sur la transmission du savoir, le numérique semble avoir le potentiel pour devenir un terrain d’exploration pour des enseignants ou futurs enseignants désireux d’expérimenter des cadres d’apprentissage offrant davantage de responsabilité et d’autonomie aux élèves. Encore faut-il comprendre et accepter que cette évolution pédagogique est dépendante des enseignants et non consécutive à l’emploi du numérique en classe. En ce sens, de notre point de vue, la mise en garde de Freinet quand à l’influence des vieilles pédagogies conserve tout son sens face à la fantasmagorie d’un numérique révolutionnant, à lui seul, l’éducation.

Pour aller plus loin

L’article proposé ci-dessous est intéressant pour développer un regard critique sur certains fantasmes associés au numérique comme levier révolutionnaire d’une pédagogie plus active et collaborative. Cette mise en perspective replace l’enseignant au cœur du processus d’évolution de la pédagogie, ce qui cadre avec la pensée de Freinet qui responsabilise l’enseignant face au défi d’une classe affranchie de la parole toute puissante du maître.

Thibert, R. (2014). Pratiques collaboratives favorisées par l’usage de l’outil numérique. Administration & Éducation, 144(4), 115‑121. https://doi.org/10.3917/admed.144.0115

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