favicon

La taille de votre écran ne permet pas l'affichage de ce site

retournez votre ecran

Invariant n°2 de Célestin Freinet

Etre plus grand ne signifie pas forcément être au-dessus des autres.

Vous êtes grand de taille et, de ce seul fait, vous avez tendance à considérer comme inférieurs ceux qui sont au-dessous de vous. C’est une sorte de sensation, disons physiologique qui est à l’opposé de la sensation du vide vertigineux lorsqu’on est au balcon d’un 8e ou sur un pic surplombant la vallée. C’est dire que tout le monde éprouve cette sensation. Il faut en prendre conscience et vous en défendre parce qu’elle vous trouble et vous égare.

Vous êtes plus grand que vos élèves. Cela ne vous suffit pas encore. Il faut que vous montiez sur une estrade pour assurer votre supériorité.

Ce sont là des impressions, des sentiments qui handicapent beaucoup plus qu’on ne croit tous les candidats à la pédagogie moderne.

C’est pour vous engager à vous défaire de ce vertige que nous préconisons dès l’abord un certain nombre de gestes symboliques et pourtant déterminants de l’évolution indispensable.

-Supprimez l’estrade : Vous serez, du coup, au niveau des enfants. Vous les verrez avec des yeux, non de pédagogues et de chefs, mais avec des yeux d’hommes et d’enfants, et vous réduirez tout de suite de ce fait, l’écart dangereux qui existe, dans les classes traditionnelles, entre l’élève et le maître.

-Si, pour des raisons administratives, vous ne pouvez enlever l’estrade pour en faire par exemple une table d’exposition et de travail, nous vous recommandons du moins de détrôner le bureau du maître, de le mettre au niveau des enfants, à un endroit où il ne gêne pas, et pas forcément devant les enfants.

L’estrade et la chaire sont des éléments indispensables de la pédagogie traditionnelle où le verbiage est roi, avec les leçons, les explications, les interrogations qu’on pratique effectivement avec d’autant plus d’autorité et d’efficience qu’on n’est pas au niveau de ceux qui écoutent.

Ajoutons que la position de lutte entre maîtres et élèves nécessite pour la surveillance, l’autorité et la discipline cette surélévation matérielle et symbolique.

Mettez-vous au niveau de vos élèves. Vous pénétrez de plain-pied dans la pédagogie moderne. Vous serez amené vous-mêmes à réfléchir et à commencer la reconsidération de vos attitudes et de votre comportement pédagogique.

Test :

Enlever l’estrade avec toutes les conséquences pédagogiques que ce geste comporte. VERT

Mettre le bureau au niveau des élèves. ORANGE

Laisser l’estrade avec son usage traditionnel. ROUGE

Menu

Balise 13

Ne confisquez pas les outils et les responsabilités

À l’époque des pratiques numériques en classe, l’estrade, au sens classique du terme, a généralement disparu des classes de cours. Toutefois, l’usage du TBI en classe permet de recontextualiser plusieurs éléments soulevés par cet invariant n°2 de Célestin Freinet précisément focalisé sur la place symbolique qu’occupe ou occupait l’estrade en classe.

TBI et estrade : symboles d’une autorité enseignante?

Observons tout d’abord que ces deux objets, assez proches au niveau formel, occupent la même place dans la classe. On accroche le TBI à un mur généralement là où jadis l’estrade était posée au sol. Par ailleurs, il n’est pas rare d’observer, dans certaines classes, la coprésence de ces deux objets, disposés au même endroit mais dans des plans différents. Par-delà cet aspect géographique qui positionne le TBI plutôt du côté où se place naturellement un enseignant, signalons également que le TBI et l’estrade sont pratiquement toujours uniques dans une classe, il n’en existe qu’un seul exemplaire par local. Or, excepté l’unicité de l’enseignant qui fait figure d’exception, que ce soit en termes humain ou matériel, une classe est plutôt caractérisée par le foisonnement des individus et des objets. Dès lors, quoi de plus logique que d’associer l’unique à l’unique, et donc le TBI à l’enseignant même si, dans les faits, l’un et l’autre ne sont pas organiquement liés.

Ce lien, fondé sur l’unicité, entre le TBI et l’enseignant est certes symbolique mais bien réel sur le terrain car, le plus souvent, pour les raisons évoquées, l’usage du TBI relève avant tout d’une pratique des enseignants aux yeux des élèves et de l’équipe pédagogique et non pas d’une pratique d’enseignement cogérée par la classe dans son ensemble. Remarquons au passage que seuls les enseignants sont envoyés en formation sur le TBI et qu’il est extrêmement rare de voir un élève demander spontanément à installer un logiciel TBI sur son ordinateur personnel pour explorer, de lui-même, le potentiel de l’outil. Non, définitivement, le TBI est installé dans les classes, Freinet ou non, à hauteur du professeur.

Ce constat amène à se poser deux questions.

Les conséquences pédagogiques de l’usage d’un TBI en classe

La première est de savoir si ce lien symbolique peut avoir des conséquences pédagogiques sur les enseignements prodigués en classe. Pour le dire autrement, si les élèves et le maitre s’accordent sur le fait que le TBI, c’est avant tout, l’affaire de l’enseignant, ne risque-t-on pas d’assister à une mainmise complète de l’enseignant sur l’outil, une confiscation qui complexifierait le déploiement d’une approche Freinet du numérique, davantage calibrée sur une relation équilibrée entre l’enseignant et les élèves.

Nous répondrons oui, indubitablement.

Prenons le cas de figure de l’enseignant qui dispense des leçons de type transmissif exploitant l’outil au maximum et démontrant au passage ses aptitudes dans le domaine de la maitrise technique de l’outil. Les élèves assistent passivement à une démonstration spectaculaire, captivés par certaines capacités de l’outil et de son utilisateur. L’environnement pédagogique développé est incroyablement attractif, mais le dispositif d’apprentissage, sans préjuger de son efficacité avérée ou non (c’est un autre débat) ne rencontre pas les valeurs de l’approche Freinet qui préconisent de placer l’élève plus au centre de l’apprentissage. Dans le cas de figure d’un usage massif du TBI comme support de l’expression enseignante, le centre de gravité de la classe réside dans l’activité de l’enseignant et ses aptitudes à communiquer une leçon. Il se retrouve dans une position dominante depuis son estrade modernisée par l’outil numérique.

L’autre cas de figure, plus courant encore, est celui de l’enseignant qui utilise le TBI uniquement comme support de diffusion de médias en classe. Là encore, l’apprentissage est frontal même si l’instance d’énonciation se déplace du professeur au tableau numérique.

Faut-il bannir le TBI d’une approche Freinet du numérique ?

Pour ne pas être troublé ou égaré, Célestin Freinet préconise, pour l’invariant originel, l’enlèvement de l’estrade et le fait d’en assumer les conséquences pédagogiques. Freinet ne parle pas ici uniquement de l’enlèvement matériel de l’estrade, mais bien du fait d’en descendre pour se mettre au niveau des élèves. De notre point de vue, plutôt que d’envisager le bannissement ou le décrochage des TBI dans les classes, (ce qui du reste s’avère pour le moins extrême) il conviendrait plutôt de se demander comment mettre l’élève à hauteur du TBI, et comment réguler l’usage de l’outil pour qu’il coïncide avec les valeurs de la pédagogie Freinet. Plutôt que de privilégier un mouvement unilatéral du professeur qui descend au cœur de la classe, il s’agit plutôt d’envisager un mouvement ascendant des élèves vers le tableau numérique afin de briser le lien symbolique mais, rappelons-le, bien réel sur le terrain, entre le professeur et son tableau numérique.

Conclusion

Pour l’enseignant qui désire développer une approche Freinet, il est nécessaire de s’interroger sur ce que veut dire être au même niveau que les élèves en matière d’usage du TBI. De même, les conséquences pédagogiques de cet alignement doivent être questionnées, aussi bien au niveau du choix des activités, que de leur déroulement en classe.

Soyons clair, cet équilibrage n’est vraisemblablement pas le plus simple à mettre en œuvre en classe avec un tableau numérique pensé prioritairement pour l’usage de l’enseignant et parfois même accroché au mur à hauteur d’adulte. Mais toujours est-il qu’il semble indispensable, dans le cadre de l’approche Freinet, d’être vigilant face à ce vertige suscité par l’outil TBI et sa capacité à déréguler un environnement de travail basé sur une forme d’équilibre des forces entre le professeur et les élèves.

Pour aller plus loin

Je vous conseille la lecture de l’étude d’Abdessamad Redouani  qui porte sur l’usage du TBI dans plusieurs classes françaises. La typologie des utilisateurs est particulièrement intéressante pour analyser les écarts entre les usages des enseignants et ceux des élèves. Le dernier cran est intitulé « utilisateur synergique : L’enseignant et les élèves utilisent le plein potentiel du TBI de manière compétente, égale, fluide et intuitive pour Co construire des connaissances  » (Lefebvre & Samson, 2015). Ce cran semble participer à un horizon Freinet d’apprentissages numériques mais est-il réellement atteignable en classe et à quelles conditions?

Redouani, A. (2021). L’effet de l’usage du Tableau Blanc Interactif (TBI) sur les pratiques pédagogiques dans trois écoles élémentaires de Strasbourg. Médiations et médiatisations, 5, 162‑173. https://doi.org/10.52358/mm.vi5.168

Lefebvre, S. et Samson, G. (2015). Le tableau numérique interactif : Quand chercheurs et praticiens s’unissent pour dégager des pistes d’action. Presses de l’université de Québec.

Path

Voici 10 questions pour déterminer votre parcours. Vous pouvez passer cette étape en cliquant .

En direct du blog

Des travaux d'élèves en lien avec ce module

Path